Deux jeunes argentins, ambassadeurs de la francophonie
|Deux jeunes argentins, ambassadeurs de la francophonie des Amériques témoignent de leur expérience au Canada.
Salomé Landivar, traductrice et professeure de langue et de traduction françaises* et Horacio Mullally étudiant des formations en traduction assermentée et en enseignement du FLE* ont été choisis parmi 600 autres candidats pour participer à la 7ème édition du Forum des jeunes ambassadeurs de la francophonie des Amériques. Ce forum a eu lieu cette année, du 9 au 15 août, dans les campus de l’Université Dalhousie à Halifax et de l’université Sainte-Anne de Pointe-de-l’Église dans la province de la Nouvelle Ecosse au Canada. Le forum est organisé par le Centre de la Francophonie des Amériques (CFA), cette année en collaboration avec le Congrès mondial acadien et la Société nationale de l’Acadie.
Cinquante jeunes francophones âgés de 19 à 35 ans, venant de plusieurs pays – des Etats Unis et provinces canadiennes et de nombreux pays d’Amérique latine et des Caraïbes -, ont été invités à prendre part à une formation de haut niveau sur le leadership, l’engagement citoyen et l’identité francophone. Sous l’égide de professeurs universitaires, de chefs d’entreprises, de politiciens, d’artistes, de spécialistes dans divers domaines, les candidats ont suivi un programme de formation serré, avec conférences, ateliers, échanges… autour de quatre grands axes : “savoir être”, “savoir penser”, “savoir faire” et “savoir partager”. Une formation intensive entièrement offerte en français, débouchant sur l’obtention du titre de jeune ambassadeur ou ambassadrice de la francophonie des Amériques : un réseau qui compte aujourd’hui déjà plus de 300 jeunes francophones confirmés.
Salomé et Horacio ont raconté leur expérience à Trait-d’Union
TdU – Comment avez-vous eu l’idée de participer à ce programme et quelles étaient les conditions du voyage ?
Salomé – “Bien que je connaissais déjà le CFA parce que j’utilise d’habitude plusieurs de leurs outils en ligne, nous avons pris connaissance du programme à travers une professeure qui y avait déjà participé elle-même. Je suis très motivée par des projets concernant la langue française et outre mon activité comme prof. et traductrice, j’intègre, depuis 2019, un groupe : le Centre d’Études Francophones, qui cherche, à travers des conférences et des entretiens avec différents auteurs et personnalités francophones, à élargir, dans la formation de l’Institut Lenguas Vivas, le concept de francophonie. Pour voyager, si vous êtes retenu, on vous demande de lire au préalable certains textes, de payer l’inscription (600 dollars canadiens) et le visa ou l’AVE (si vous avez une double nationalité dispensée de l’obligation de visa). Les frais des billets d’avion, de l’assurance, de logement et des repas sont pris en charge par le CFA.”
Horacio : “Ce programme s’adresse à des jeunes francophones entre 19 et 35 ans habitant le territoire des Amériques, engagés dans des projets liés à la francophonie dans leurs communautés respectives. On nous demande d’envoyer un CV, une lettre de motivation et une lettre de recommandation d’une personne qui travaille pour la francophonie. Dans mon cas, j’ai toujours été engagé dans mon milieu universitaire en participant à plusieurs espaces de représentation étudiante, d’enseignement du FLE et de recherche en tant qu’étudiant. J’ai fait et je fais partie de plusieurs projets de traduction, parmi lesquels une anthologie de poèmes d’écrivaines appartenant à deux Premières Nations canadiennes, parue en 2022.”
TdU : Quelles sont les caractéristiques du programme qui vous ont marqué ?
Salomé : “Personnellement je suis encore très émue par cette expérience. Le climat de travail exceptionnellement amical et agréable, dans un contexte universitaire, dès le début permet de créer des liens avec d’autres personnes de milieux très divers ! Des liens qui peuvent aboutir dans l’avenir à des projets de collaboration. On apprend la réalité de différentes communautés, différents contextes où la francophonie se vit différemment, on rencontre des acteurs très investis dans leurs milieux qui s’érigent en source d’inspiration. Le travail est très intense, dans les équipes on échange des expériences, des parcours, nous nous construisons comme “leaders”. Les conférences dans le cadre du Congrès mondial acadien nous ont beaucoup appris sur l’histoire et l’état actuel de l’Acadie, d’autres conférences nous ont éclairés sur la situation du français aux États-Unis et dans les Caraïbes, où il y a des jeunes très impliqués dans leurs communautés. Je souligne tout ce qui se construit au niveau humain avec les participants, on se retrouve pour discuter à la cantine, les jours où le programme le permet, on peut organiser des promenades, et au cours des excursions on a l’opportunité d’échanger sur nos expériences et projets”.
Horacio : “Le programme permet de mieux se connaître personnellement, voire de mettre en pratique ses points forts et d’identifier des opportunités d’amélioration comme “leader”. Toutes les interventions sont faites avec un grand respect. À travers ce programme, le CFA donne accès à un réseau de soutien précieux pour les participants et leurs projets futurs en les accompagnant avec des ressources informatiques, de conseil, et même économiques.”
TdU : Quelle est la situation du français dans le monde, aujourd’hui ?
Salomé : “Elle varie d’un territoire à l’autre. Au Canada, puisque la présence de l’anglais est très forte, pour les francophones de ce pays, l’utilisation du français représente un choix politique, identitaire (la présence de Justin Trudeau, que nous avons retrouvé au Congrès acadien, nous permet d’en mesurer l’ampleur). D’autres enjeux se présentent dans d’autres territoires, comme en Haïti, où le français coexiste avec le créole, ou en Guadeloupe et en Martinique, par rapport au français de la métropole. Dans chaque territoire, la francophonie fait face à des défis très divers. L’implication passionnée des gens qui travaillent avec et pour la langue française dans des contextes beaucoup plus compliqués que le nôtre la revitalise avec de nouvelles perspectives. En Argentine, c’est peut-être l’aspect éducatif et culturel qui prend le dessus, mais dans ce Forum, une vision du français plus ample est encouragée, liant la langue à d’autres aspects, comme par exemple l’écologie, la politique ou l’économie, c’est-à-dire en associant la francophonie à une dimension bien différente et bien plus large que la seule maîtrise de la langue”.
Horacio : “En Argentine, comme ailleurs dans le monde, il existe l’idée qu’il y a des formes d’espagnol et de français qui sont plus correctes que d’autres. On dit que l’on parle “bien” ou “mal” selon des standards qui sont associés à des préjugés envers les personnes qui parlent les différentes variétés des langues. Dans ce sens, l’opportunité que présente le Forum de rassembler des jeunes de partout dans les Amériques et dont le français peut être leur première ou deuxième langue met en évidence la pluralité des réalités sociales et culturelles où l’on parle le français dans notre continent aujourd’hui. Cette francophonie inclusive et donc très riche gagne du terrain dans toutes les sphères où la langue française est présente aujourd’hui et fait face, notamment en Argentine, à l’idéal culturel très répandu que le français est une langue restreinte à certains espaces, comme la littérature, la cuisine, la mode, etc.”
Salomé : “Dans ce sens nous avons participé à une cérémonie menée par des membres d’une Première Nation, appelée “exercice de couvertures”. Elle fut informative et touchante ; bien que cette activité n’ait pas eu de rapport direct avec le français, c’est à travers cette langue que nous avons partagé l’expérience avec des gens qui habitent ce même continent américain où nous vivons, les communautés autochtones et aussi les jeunes représentants de tous les pays et territoires”.
Horacio : “La perspective que le CFA représente est plurielle et inclusive : une francophonie qui permet de sortir du cliché qui veut que, par exemple, en Argentine, le français est perçu comme une langue éloignée de la réalité des personnes. Les participants du Forum provenions de cultures différentes, mais nous étions unis à travers le français et les valeurs de la francophonie. Ce fait nous a permis de tisser des liens interpersonnels et interculturels pour nous engager à travailler pour des objectifs communs”.
Pour plus d’informations sur le CFA et le Forum
https://francophoniedesameriques.com/le-centre/qui-sommes-nous/a-propos https://francophoniedesameriques.com/vos-services/programmes/forum-des-jeunes-ambassadeurs/presentation-generale
Propos recueillis par Patricia Pellegrini
Nota : * Salomé Landivar est traductrice et professeure de langue française et de traduction audiovisuelle à l’Instituto de Enseñanza Superior en Lenguas Vivas J.R. Fernández.
* Horacio Mullally est étudiant des formations en traduction assermentée et en enseignement du Français Langue Étrangère (UNLP).