Tribune libre

Au cours du déjeuner organisé le 20 mars dernier par le CECTAF dans le salon San Martin du Centro argentino de Ingenieros, l’invité d’honneur, Archibaldo Lanús, de nouveau nommé ambassadeur d’Argentine en France (il avait déjà assumé cette responsabilité durant le gouvernement menemiste), a exprimé son point de vue sur la crise argentine. Une cinquantaine de personnes a écouté avec intérêt son argumentation… Selon le diplomate, il existe cinq raisons pour lesquelles l’Argentine traverse actuellement une dépression non seulement économique mais aussi morale. En premier lieu, il s’est produit dans le pays une “rupture du contrat social” lorsque les citoyens, tout comme les entreprises, ont décidé de ne plus payer leurs impôts, invoquant divers prétextes (manque de fonds, de marges, de bénéfices, désobéissance fiscale, banqueroute…). L’état a lui aussi rompu le contrat lorsqu’il a empêché les citoyens de disposer librement de leurs avoirs. En second lieu, l’Argentine, qui a les structures et les institutions d’un Etat moderne, n’a pas la capacité de les entretenir : trop de dépenses, trop de fonctionnaires et trop d’institutions inefficaces déséquilibrent ses finances. En troisième lieu, le système fédéral du pays souffre une grave crise politique. L’Argentine est en effet passée d’un système fédéral à un système confédéral dans lequel chacune des 24 provinces est dirigée par des seigneurs féodaux qui utilisent, entre autres choses, les bénéfices attachés à leurs charges à des fins personnelles. La constitution de 1994 a transformé le Parlement en une assemblée représentant les intérêts de ces caudillos locaux. En quatrième lieu, l’état argentin, selon Lanús, dépense 10 milliards de pesos par an, un chiffre raisonnable mais qui, en raison des dépenses dues aux transferts de fonds de coparticipation aux provinces et aux avantages fiscaux, ne permet pas d’équilibrer les comptes de l’état. Enfin, le dernier point évoqué par le diplomate est celui de la façon de penser. “Nous, les Argentins, nous ne pensons jamais de nous-mêmes, sinon à partir d’idéologies ou bien de mythes”. Principalement le mythe européen. En effet, l’Argentin s’intéresse bien plus à ses racines européennes qu’à son milieu local. Il souffre, depuis plus d’un demi-siècle, d’un problème d’identité. En ne regardant que vers l’extérieur, il n’a pas pu créer un sentiment d’appartenance à une société.L’Argentin a toujours admiré ce qui est à l’extérieur, à l’étranger. De la même façon, selon Lanús, “le peuple argentin n’a pas su asseoir clairement une échelle des valeurs sociales”. La politique locale ne répond pas aux intérêts du bien commun. Le gouvernement se confond avec l’Etat et subit la pression de lobbies de tout type. En somme, “l’Argentine est en train de terminer un long cycle marqué par le manque d’éthique et la confusion des valeurs” durant lequel il valait mieux faire preuve, si l’on évoque l’oeuvre de José Hernandez, de viveza criolla que posséder les nobles valeurs de Martín Fierro.

 

Partager sur