DSK : la présomption d’innocence à rude épreuve

14 mai : Arrestation de Dominique Strauss-Kahn (DSK) à New-York ; il est accusé d’agression sexuelle grave par une femme de ménage de l’hôtel Sofitel. Pendant 30 heures, la police le retient dans un commissariat de Harlem.

15 mai : images en boucle sur tous les écrans du monde : DSK menotté, encadré par des policiers. En France, le public médusé hésite entre manipulation et complot.

16 mai : images en boucle, encore, de la première audition de DSK devant le tribunal pénal de New-York. DSK y est montré fatigué, pas rasé, les vêtements froissés et en désordre. Ses avocats sont impuissants à convaincre la juge d’accepter une mise en liberté sous caution et le défère à la prison de Rickers Island. Photos à l’appui, les télévisions insistent pour démontrer la rigueur inflexible de cette prison.

Les Français acceptent que DSK ne sera pas le candidat du PS à l’élection présidentielle.

De grandes manœuvres planétaires commencent pour obtenir la direction générale du FMI.

Enfin, le 19 mai, DSK annonce sa démission tout en clamant son innocence.

Credit Photo : www.parismatch.com

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En accord avec les procédures pénales aux Etats-Unis :

Le 20 mai : DSK est traduit devant un Grand Jury et se voit formellement inculpé sur la base des déclarations de la victime présumée. A ce stade aucune preuve n’est présentée ; aucune réfutation n’est entendue.

Le 6 juin si l’accusation n’est pas retirée, DSK est présenté devant un Petit Jury qui jugera de sa culpabilité ou de son innocence pour chacun de chefs d’accusation. Si les faits reprochés sont avérés, le procès pourrait avoir lieu d’ici à un an devant un nouveau Jury qui aura toute autorité pour juger après avoir entendu les plaidoiries des avocats et du procureur.

Du 15 mai au 22 mai , l’”affaire DSK” aura été l’événement les plus médiatisé au monde et fait de DSK l’homme le plus connu de la planète tout en provoquant des réactions peu nuancées évoquant aux Etats-Unis la légèreté de nos mœurs, notre machisme, notre mauvaise compréhension du féminisme, nos attitudes racistes et nos rivalités religieuses (l’accusatrice est guinéenne et musulmane).

Cependant qu’en France les mérites et faiblesse entre les procédures pénales des différents systèmes accusatoire (américain) et inquisitoire (français) restèrent conversations de spécialistes, le public a été fortement choqué par le spectacle d’une Justice aux relents de western et de série policière le plus souvent jugé indécent.

Car on accorde en France une grande importance au droit au respect de la présomption d’innocence inscrit dans le Code Civil où il est passé de droit de procédure à droit de la personne dès 1993. A ce titre la dégradation publique d’une personne accusée et présentée coupable sans procès qui le démontre est illégale et lourdement pénalisée. Les Français ont donc été d’autant plus émus par la médiatisation outrancière des images infamantes de DSK et ont accueilli facilement les hypothèses de manipulation ou de complot au bénéfice d’adversaires à sa candidature présidentielle ou à sa politique en faveur des pays européens dans sa conduite du FMI.

Aux Etats-Unis, par contre, si la présomption d’innocence existe également, sa portée en fut réduite en 1979 quand la Cour Suprême a décidé qu’elle ne s’appliquerait plus avant procès. Par ailleurs, les procureurs, juges et gestionnaires de prison sont élus et peuvent librement choisir de démontrer l’efficacité de leur gestion en montrant des images répressives et dégradantes pour les prévenus et les condamnés. L’intimidation y est d’ailleurs pour le procureur un moyen habituel de pousser le prévenu à plaider coupable contre la promesse d’une réduction de peine.

On comprend que les procédures pénales soient différentes, on peut regretter que le respect de l’honneur et de la dignité de la personne accusée le soient, car la conséquence de leur négation aura déjà produit des conséquences irréversibles quand bien même le prévenu serait innocenté.

Cela ne doit pas s’empêcher de s’interroger sur l’éthique des médias français qui ont choisi de critiquer la presse américaine pour la violence de leurs images mais les ont complaisamment et fructueusement relayées en toute impunité.

Jean-Yves Mounier

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