Immigration française en Argentine
|Lorsque l’équipe du Trait-d’Union est arrivée au musée régional de San José, en octobre dernier, pour rencontrer le groupe de personnes qui s’étaient mobilisées pour l’accueillir, Olga Bard, dynamique liquoriste était là, désireuse de faire connaître la « Fabrique de liqueurs Bard »…
Lorsque l’équipe du Trait-d’Union est arrivée au musée régional de San José, en octobre dernier, pour rencontrer le groupe de personnes qui s’étaient mobilisées pour l’accueillir, Olga Bard, dynamique liquoriste était là, désireuse de faire connaître la « Fabrique de liqueurs Bard », fabrique déclarée d’intérêt culturel par la municipalité, en 2008, année anniversaire de sa création, cent ans auparavant. C’est avec une émotion palpable que la jeune femme évoque l’origine de la fabrique, qu’elle dirige depuis le décès de son père.
La famille d’Olga
Les arrières grands parents d’Olga, Hyppolite Bard et Jeanne Deymonnaz, originaires de Thyl, dans la vallée de la Maurienne, en Haute-Savoie, arrivent sur la côte de l’Uruguay avec la troisième vague d’immigrants, en 1860. Ils se sont connus sur le bateau, se sont mariés et auront onze enfants.
Trois des garçons, Lino, Miguel et Cristobal fondent en 1908 la société « Bard Hermanos », une fabrique de liqueurs avec l’aide et le savoir d’un autre de leurs frères, Juan, pharmacien.
Une fabrique de liqueurs ?
En Haute-Savoie, on cueille de la gentiane, de la sapinette ou du génépi, c’est un savoir-faire ancestral des Alpes, un des charmes de la montagne, un remontant qui permet de lutter contre le froid intense et l’humide neige. Pour réaliser leur projet, il faut aux trois intrépides, de la patience et une matière première bon marché et de proximité.
Ne possédant pas d’alambic, on fait macérer les fruits et les plantes pour en extraire les arômes – extraction qui se fait par un échange entre fruits et alcool-. Une fois la macération terminée, il suffit de soutirer le jus qui s’appelle infusion et qui sert de base à la fabrication finale de la liqueur. Deux ans de mise au point sont nécessaires pour obtenir le produit rêvé et la saveur désirée.
Très vite, le produit est un succès local, il connaît également une large diffusion dans les régions limitrophes, emmené par les voyageurs et les visiteurs. Des boissons rafraîchissantes à base de canne à sucre voient le jour. Dans les années 1930, pour répondre à la demande des Sanjoséniens, et suivre la tradition bien française de l’« apéro », sans oublier une note typiquement savoyarde, l’ « Aperitivo Entrerianno » à base d’une herbe médicinale, la « lusera » et de fleurs aromatiques de la côte du rio Uruguay, sort de la fabrique Bard. Cette boisson remporte de nombreux prix.
Lorsque quelques années plus tard, la société « Bard hnos » est dissoute, Lino, le grand père d’Olga décrète que ce savoir-faire artisanal doit rester dans la famille, il décide donc de continuer, ceci jusqu’à sa mort en 1957, aidé par son fils Lino Francisco. C’est ensuite ce dernier qui lui succède, seul, jusqu’en 1982.
A la mort de leur père, Lino Luis et Olga Elisa vont poursuivre l’œuvre de leurs aînés, ne gardant néanmoins que trois saveurs de liqueurs, face aux vingt goûts précédents.
La fabrique aujourd’hui
Olga fait visiter avec passion « sa fabrique » qui élabore encore de nos jours, de façon tout à fait artisanale, trois des produits mis au point par les créateurs : liqueurs d’orange, de miel et de yatay.
Le yatay est le fruit comestible du palmier du même nom, qui fait l’attraction du «Palmar » d’Entre Rios à quelques kilomètres de San José, où plus de 8000 hectares se parent de ce palmier élancé.
La visite de la fabrique est un bond dans le passé. Comme dans un musée on peut admirer les trois immenses cuves de fonte et d’étain d’une capacité de 300 litres chacune, une écumoire du XIX siècle, une ancienne machine de bouchage, objets toujours en service de nos jours, qui permettent de produire jusqu’à 1200 bouteilles.
Respectueux de la tradition, la cuisson des fruits se fait toujours de la même façon qu’auparavant, en maintenant un feu de bois, très bas et constant. Patience et savoir-faire sont nécessaires pour obtenir un sirop à son juste point ; couleur, arôme et saveur sont entièrement naturels. Les matières premières produites localement garantissent la qualité constante des liqueurs.
En faisant visiter la fabrique, Olga se montre fière d’avoir repris le flambeau familial et explique en détails l’origine et l’utilisation des meubles, comme le bureau de son père et de tous les appareils et ustensiles qui servent à la fabrication et à la qualité des produits.
Faire vivre une entreprise artisanale au XXI siècle n’est pas une mince affaire. Olga est si déterminée et convaincante que la quatrième génération, Bard, ses neveux Francisco et Lucia ont décidé de la rejoindre avec l’enthousiasme et la force de la jeunesse. Leur accès aux technologies actuelles est un atout indispensable dans la diffusion et commercialisation des produits, toujours aussi appréciés de nos jours.
La visite des « Licores Bard », sous la houlette sympathique et pleine d’entrain de sa directrice, vaut le détour !
Propos recueillis par Elisabeth Devriendt et Marie-Françoise Mounier-Arana