Du roman de Jules Verne à la réalité

Pendant l’été 2009, avec Sergio Anselmino (photographe nature), nous nous sommes rendus sur l’île des Etats, cette même île qui inspira Jules Verne dans son roman “Le phare du bout du monde“. Nous y avons séjourné deux mois et demi entourés d’une nature époustouflante. Dans son roman, Jules Verne décrit un paysage gris et austère. Cependant, l’île, en été, nous a montré un visage totalement différent, une faune foisonnante, une végétation et des paysages incroyables.

isla de los estadosL’été, dans ces latitudes, offre de nombreuses heures de luminosité. Le soir, les étoiles apparaissent timidement. Et pendant la nuit, une légère lueur persiste de sorte que nous ne sommes jamais vraiment dans l’obscurité totale. La belle Croix du Sud et les nombreux satellites semblent être à la portée de nos mains et le dôme bleu du ciel paraît ne recouvrir que nous sur l’île…

Sur place, nous découvrons un paysage magnifique de sommets enneigés. A différents niveaux, se trouvent plusieurs lacs reliés entre eux par une succession de petites cascades irrégulières et capricieuses.
Les teintes de la forêt changent constamment : du jaune éclatant au vert presque fluorescent, en passant par des tons orangés, marron, ocre… Les couleurs nous captivent. Les Codonorchis lessonii (palomitas), les belles Leontopodium Alpinum (edelweiss), la Drosera uniflora (droséra, petite fleur carnivore) qui occupent de vastes étendues de couleur rouge et la fleur de Drymis Winteri (cannelle de Magellan) dégagent un parfum intense, frais, délicieusement sauvage.
Dans le sable, nos empreintes se mêlent à celles d’un cerf. Nous suivons ses traces et nous l’apercevons. Malheureusement, il s’enfuit à notre approche. Ce magnifique mâle est notre premier contact avec cette espèce, introduite sur l’île en 1973.
La pleine lune illumine la plage Bedini, la mer, les montagnes et la forêt où se trouve notre tente. Difficile d’imaginer que cette mer, si paisible et qui borde cette superbe plage ce soir-là, puisse provoquer tant de naufrages. Ses vagues déchaînées, lors de tempêtes furieuses, engloutissent trop souvent bateaux et équipages. Sur toute la côte, nous avons trouvé de nombreuses épaves : témoignages de cris, de souffrances, d’espoirs et de désespoirs des naufragés.
Le vent nous surprend par sa force incontrôlable. Nous contournons une grande lagune. Soudain, nous entendons une explosion et sur l’eau, se forme une tornade de plus de 40 mètres de haut qui disparaît en s’approchant de la côte. Nous marchons presque douze heures avant d’arriver à la Baie Lacroix. Nous sommes complètement trempés et couverts de boue. Pendant les séjours en montagne, les intempéries arrivent progressivement à tout détruire. Nous en avions déjà fait l’expérience auparavant.

La partie “Est” de l’île
A l’est, le relief est plus escarpé. La falaise de la rive sud est si abrupte qu’elle en est effrayante. De ce côté de l’île, le mauvais temps sévit. Il pleut tellement que la terre saturée ne peut plus absorber l’eau qui tombe en abondance. Les criques Vancouver et Cook, distantes de 500 mètres, forment l’unique isthme de l’île. L’anse Cook possède de nombreux vestiges du passé : entre 1899 et 1902, époque où fonctionna le bagne installé sur l’île, des hommes et des femmes furent enterrés, aux confins du monde, dans la plus grande solitude. Parmi la végétation, on arrive à distinguer une dizaine de croix. Une croix en fer forgé se dresse même sur une tombe clôturée.

Près du phare du bout du monde
Au cap Laserre, à 30 mètres au-dessus du niveau de la mer, se trouve le phare de San Juan de Salvamento, rendu célèbre par Jules Verne sous le nom de “Phare du Bout du Monde“. Il commença à fonctionner en 1884. En 1902 l’armée argentine décida de le remplacer par un autre phare sur l’île Observatorio. En 1998, après une longue et difficile période de restauration, entreprise par une équipe française sous la direction du Rochelais André Bronner, le phare reconstruit est remis en état de fonctionnement après 95 ans d’abandon.
L’anse Rock est la plus longue plage de sable de l’île. C’est là que se trouvait une grande colonie de manchots royaux. Cette espèce fut exterminée au XIXème siècle par des chasseurs pour en obtenir de l’huile.
Sergio est parti seul vers le Phare du Bout du Monde. Grâce à sa force physique et mentale, il a réussi à parcourir toute l’île et a réalisé son rêve. Il est revenu vingt jours plus tard, complètement trempé, amaigri mais avec un regard serein, satisfait et apaisé.

Par une belle journée ensoleillée, le kayak se déplace facilement bien que freiné par de grands bancs d’algues brunes. Immergé, le caméscope filme de petits poissons cachés entre les algues, des méduses, des crabes, des lions de mer, des étoiles de mer, des coquillages et d’énormes huîtres incrustées sur des pierres recouvertes par la marée haute.

Retour
En février 2010, après avoir accompli l’objectif de faire le tour de l’île en deux mois et demi, nous sommes rentrés à Ushuaia avec un record de 20 000 photographies, plus de 30 heures de vidéo haute définition et une importante base de données sur la faune marine et terrestre de l’île.
Je suis rentrée avec des étoiles plein les yeux et le visage mouillé par la pluie et les embruns salés projetés par le vent. Je suis rentrée convaincue qu’un jour nous prendrons conscience que détruire la planète, c’est nous détruire nous-mêmes. Chaque fois que nous dépassons les limites naturelles, nous nous éloignons un peu plus de la seule chose qui peut prolonger notre existence en tant qu’êtres humains sur cette planète. Quand nous rendrons-nous compte que l’indispensable pour vivre provient de la terre sur laquelle nous marchons et de l’air que nous respirons ? Quand l’équilibre naturel sera-t-il rétabli, quand la planète soignera-t-elle ses blessures ? Ces lieux extrêmes que nous avons parcourus nous ont démontré que nous ne pourrons rien faire quand la nature décidera de reprendre ses droits. ‘´île des Etats, la merveille naturelle, l’énergie supérieure, la puissance, la nature incontrôlable.

Perla Carolina Bollo – perlabollo@gmail.com
Traduit par la Famille Roberteau
Pour plus d´informations: www.sergioanselmino.com.ar

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