Et pendant ce temps le confinement…

Le Trait d’Union vous propose une nouvelle série de cours entretiens auprès de Français ou d’Argentins très proches de la communauté française vivant en Argentine et confrontés au confinement. Marie Sinizergues (Buenos Aires)

Une façon de comprendre que, malgré la période difficile que nous traversons, où tout semble arrêté, la vie continue, et que, au-delà de l’adaptation à ces contraintes temporaires, les projets, pour mieux aborder l’ « après », sont déjà en route. Une façon aussi d’apprécier la variété et la richesse de notre communauté.

Marie Sinizergues (Buenos Aires)

Marie Sinizergues a bien voulu répondre à nos questions et nous parler de son vécu pendant le confinement. Architecte spécialiste en rénovation d’espaces, Marie a créé, avec son époux argentin, la marque Lunatango spécialisée dans la confection de chaussures de tango.
Elle est actuellement la vice-présidente de l’association Marianne dont, par tradition, la présidente est argentine et la vice-présidente française.

Pouvez-vous nous dire comment vous vivez votre confinement ?

J’ai vécu deux époques de confinement. D’abord je suis restée chez moi avec mes trois enfants en bas âge (4, 6 et 8 ans) à jouer, cuisiner, dessiner, gérer les disputes, à essayer de mettre en place un nouveau rythme quotidien sans école ni “plaza”, ni grand-mère, ni nounou, ni même la possibilité d’aller faire une petite course dans le quartier. Pendant ce temps-là, mon mari continuait à se rendre à l’usine puisqu’il fabrique des produits indispensables à l’industrie alimentaire ; donc tâches essentielles.

Pendant ces semaines, enfermés à la maison tous les quatre, nous avons relu tous les livres disponibles à la maison, mes enfants ont beaucoup progressé en français et ils se sont mis au piano. Par contre, je n’avais le temps de presque rien d’autre, seulement de maintenir un peu de disponibilité pour l’association Marianne et un semblant de vie pour Lunatango, mon entreprise de chaussures de tango, à travers les réseaux sociaux et quelques clients fanatiques, ici ou ailleurs, qui s’offrent des chaussures alors que les milongas et les cours sont fermés.

Puis comme notre nounou a pu revenir, j’ai pu aller quatre jours par semaine à l’usine de mon mari, l’aider dans plusieurs défis urgents notamment dans mon domaine qui est l’architecture.

Mais, en même temps, l’école virtuelle s’est installée exigeant beaucoup d’efforts d’adaptation et d’apprentissage autant aux enfants qu’aux parents : comment utiliser une plateforme, accepter les rencontres devant un écran, faire des devoirs ensemble quand le temps nous le permet, etc.

Je ressens beaucoup de tristesse et de colère, mais j’éprouve aussi le sentiment que ma situation est privilégiée car je ne manque de rien d’essentiel.

Nous finirons bien, un jour où l’autre, par sortir de chez nous. Quels sont vos projets une fois que la crise actuelle sera passée ?

J’espère que nous pourrons passer des vacances en France. Et si la situation est bien meilleure, que mes parents puissent venir de France pour passer du temps avec nous. En attendant, grâce au zoom, nous nous réunissons tous les jours avec beaucoup de bonheur.

A n’en pas douter, cette période que nous vivons est hors du commun.  Beaucoup considèrent que le monde d’ « avant » ne pourra plus être le même lorsque cette crise sera passée. Qu’espérez-vous de ce monde de l’ « après » ?

Je n’espère rien de bon, ni de réelles améliorations mais plutôt une dégradation de la situation du pays et de l’environnement en général. Oui, la possibilité de se rencontrer virtuellement où qu’on habite, est propice à de nouveaux échanges mais je pense qu’à la longue, les relations humaines s’appauvrissent sans proximité physique. De toute façon, je ne dors par assez pour avoir des idées très optimistes ! La dernière fois que j’ai senti un souffle de bonheur et de liberté, c’est lorsque je suis allée en bicyclette à un rendez-vous dans le centre !

Dans mon cas, je sens que le principal défi est d’ordre mental : trouver en soi de nouvelles envies, profiter des petites joies à portée de main, créer de nouveaux rêves.

Propos recueillis par Jérôme Guillot

Partager sur