Les femmes aux avants-postes de la mobilité durable et responsable

Organisée par l’association Marianne mardi 17, la conférence prenait place dans le cadre de la semaine de la mobilité durable dans les locaux de AySA (entreprise de fourniture d’eau courante), au palais des eaux courantes.

La rencontre portait sur les mobilités des femmes dans les espaces publics, les conférencier(e)s ont développé plusieurs perspectives d’innovation en matière de mobilité verte et responsable.

Cela fait déjà plusieurs décennies que les réservoirs d’eau potable du « palais des eaux courantes » de Buenos Aires ont été vidés de leurs masses aqueuses. Perdure néanmoins une atmosphère particulière dans ces gigantesques dépôts d’eau, véritables caissons de fer et béton, réaménagés en musée et en salles d’archives. 

Une trentaine de personnes étaient venues assister à la conférence dans le cadre de la semaine de la mobilité durable, organisée du 16 au 22 septembre par la ville de Buenos Aires. Cette première rencontre du groupe de réflexion « sustentable » de l’association franco-argentine Les Mariannes, apportait une véritable réflexion sur la question, portée par des invités variés. La première partie de la matinée était consacrée à « la mobilité durable et les perspectives de genre ». Paula Bisiau, sous-secrétaire à la mobilité durable et à la sécurité de la métropole de Buenos Aires, Mariana Carriquiriborde et Alejandra Alberdi, respectivement directrice de mobilité à AySA et vice-présidente de AySA ont, sur ce point, livré un bilan édifiant. 

84 % des porteños se déplacent en transport public dont 57,5 % en bus

Ce constat est une petite révolution. Dans une ville qui s’est construite sur un modèle du « tout voiture » en d’immenses boulevards devenus autoroutes, la municipalité travaille depuis plusieurs années à réaménager le micro-centre en un espace partagé, raisonné et accessible. Pour autant ce chiffre très encourageant cache de grandes disparités. Avec 57,7 % des déplacements, le bus reste le moyen de transport par excellence des porteños. Si les chauffeurs sont les rois de l’asphalte (et du klaxon), carton rouge pour ces derniers en terme de mixité. Les femmes restent bien souvent marginales au volant. La ville s’est emparée de la question et accompagne une promotion de femmes chauffeur de bus. Les causes techniques et physiques n’ayant plus lieu d’être, on peut s’attendre à ce que la profession se féminise dans les prochaines années. Le coût de l’examen, les mentalités machistes et les horaires contraignants freinent néanmoins cette féminisation. 

Après le bus, viennent le “subte” (18%), les taxis (4%) et … les vélos. Avec 3,5 %, la « bici » entretient avec les porteños une relation sulfureuse. Longtemps réservée à quelques courageux y ayant perdu quelques plumes, le vélo se démocratise sous l’impulsion de la municipalité. Inspirée par d’autres métropoles nord-américaines et européennes, la ville a mis en place depuis 2010, un système de vélo en libre service, l’”ecobici”, qui, forte de ses 450 000 usagers, s’est durablement implantée. Le service, gratuit, est subventionné par la municipalité. Côté piste cyclable, le réseau s’est fortement accru : touristes et riverains se partagent les 232km de pistes. Reste encore que la mobilité à deux roues hors de ces circuits balisés est une expérience… agitée. 

Mais derrière l’enjeu des mobilités se cache également celui de l’aménagement, de la cohabitation et de la sécurité. 60 % des piétons sont des femmes. Ces dernières prennent également davantage le “colectivo”. L’apport d’un regard féminin dans l’aménagement des espaces et des transports publics devient dès lors une nécessité, et leur présence aux postes décisionnels dans l’aménagement du territoire une clé de réussite des politiques de la ville.

« Ni loca, ni perseguida,ni histérica. El acoso existe» 

100 % des femmes ont été harcelées dans les transports publics. Le chiffre ne laisse définitivement pas indifférent et se décline en plusieurs constats, alarmants. 89 % des femmes et jeunes filles ont récemment été plus de deux fois harcelées dans les transports publics. Seule une minorité porte plainte. Face à cela, la ville de Buenos Aires a mis en place une grande campagne d’affichage dans les transports en commun et sur les réseaux sociaux. « Cette situation de harcèlement constant lorsqu’on est une femme a été banalisée, et ne devrait pas l’être. Il faut mettre en avant les règles de vivre-ensemble, impulser un changement de mentalité » souligne Paula Bisiau. Cela s’accompagne également d’une mesure législative, puisque le harcèlement est passible d’amendes, et de mesures sécuritaires via la mise en place d’un numéro d’urgence qui vise à signaler les harceleurs et à accompagner les victimes. 

«  L’électrique et le gaz dès demain »

La seconde partie de la conférence était consacrée aux « femmes comme agents de changements ». Valere Lourme (Volvo Trucks), Ethel Zulli (directrice durabilité chez Renault), Raphael de Lasa (cofondateur de “Cocoche”, site de covoiturage) et Laurence Thouin (co organisatrice de TER 40) ont développé des perspectives de transports doux. Camions au gaz, voitures électriques, covoiturage… Autant de pistes qui marquent un tournant dans la prise en compte des besoins des ménages et de leurs attentes. Les entreprises misent aujourd’hui sur les énergies durables et à la tête de ce changement, les femmes innovent. «  Aujourd’hui ce n’est plus la voiture qui compte, c’est le déplacement en lui même : son impact, son coût, sa vitesse » souligne Ethel Zulli. « Il nous faut prendre en compte les attentes contemporaines, notamment environnementales et cela passe par l’implantation de la voiture électrique qui est une véritable innovation technologique ». 

La matinée, s’est achevée sur le constat d’un début de changement en terme de prise en compte du quotidien des femmes et de l’enjeu environnemental, créant de nouveaux paradigmes de mobilité plus justes et durables.

Dans la photo : Mariana Carriquiriborde, Paula Bisiau et Alejandra Alberdi

Louise Le Borgne

Crédit photo : Louise Le Borgne

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