Immigration française en Argentine

C’est grâce à Leticia Benitez que l’équipe du Trait-d’Union a entrepris de se déplacer jusqu’à San José, pour prendre contact avec plusieurs descendants de savoyards arrivés, en Argentine, dans la deuxième moitié du XIXème siècle.

Avec son entrain et sa bonne humeur communicative Leticia a su convaincre les personnes que Trait-d’union a rencontrées au cours d’une réunion, puis durant la visite du musée et ensuite individuellement, de dédier leur samedi à revenir sur les pas de leurs ancêtres.

Les Borget
On ne parlait pas français dans la famille de Leticia, elle-même représente la sixième génération de ces immigrants ; c’est sa mère qui la pousse, au collège, à apprendre la langue de Molière. Elle prend des cours particuliers et suit la méthode d’apprentissage de la langue « Archipel » à Colón, la ville qui jouxte San José, fondée majoritairement par des Suisses Valaisans. Elle assiste au départ vers la Suisse de son professeur, puis d’autres, tous attirés par le désir d’aller à la rencontre de leurs origines. C’est ainsi qu’elle est amenée à s’intéresser elle aussi à sa généalogie, sa grand-mère l’aide.

Les Borget, famille maternelle de Leticia viennent de Reyvroz, en Haute Savoie : une famille d’origine paysanne qui comme beaucoup d’autres décide d’émigrer poussée par la pression démographique, le manque de terres pour donner travail et revenus à tous. Son aïeul François Borget décide de partir ; il embarque sur le Galilée en 1861, et fait connaissance sur le bateau d’une jeune Appolonie Lugrin, qui deviendra sa femme. Il voyage seul, la jeune fille, elle, accompagne ses frères. Les premières années sont dures : les ravages provoqués par le passage des sauterelles restent dans les annales de San José. Les communications ne sont pas faciles : une lettre met trois mois à arriver à destination (voir ci-dessous une lettre adressée par Appolonie à une de ses belles-sœurs) *. Peu à peu les liens avec la famille française s’estompent, et François Borget en arrive à donner procuration pour que soient liquidés tous ses biens restés derrière lui en France. Les « ponts sont coupés ».

L’Association Savoie-Argentine
Revenant à Leticia, elle assiste à partir de 1989, au départ d’autres professeurs de son entourage, vers leur région d’origine. Elle souligne l’effervescence qui semble se produire des deux côtés de l’Atlantique, les « San-Joseniens » les Savoyards, ainsi que les Valaisans désirent connaître leurs cousins d’outre-Atlantique. Dans les années 1990, naît l’Association Savoie-Argentine, à partir de cette date, les retrouvailles familiales s’organisent et peu à peu s’intensifient. Plus de huit échanges de groupes importants, le plus gros contingent venu de France ne comptera pas moins de 360 personnes, sont organisés. Les Argentins voyagent aussi à la recherche des parents lointains ; les contacts s’établissent avec cousins, oncles ou tantes français et beaucoup, tentés par ces rencontres, se mettent à dresser leur arbre généalogique. Nombreuses sont les familles issues de cette immigration qui, aujourd’hui connaissent parfaitement leurs origines.

Telle une hirondelle…
Leticia profite de la venue en Argentine du premier groupe pour partir avec eux. Elle est « fille au pair », perfectionne son français et se met au ski pendant les 10 mois de son séjour. C’est à son retour qu’elle entreprend ses études de Français Langue Etrangère FLE, et quelques années après commence à enseigner au Centre Savoie Argentine à des adultes tout d’abord, puis fonde, à la demande de la présidente du Centre, une classe maternelle le « Jardin P’tit Poisson ». Au début des années 2000, elle rencontre celui qui deviendra son mari, un savoyard en visite en terre australe. A partir de cette date le ménage vivra pendant plusieurs années entre la France et l’Argentine, une « transhumance » comme la nomme Leticia à échelle « planétaire ». Lorsqu’elle est en France, Leticia travaille avec des pécheurs professionnels du lac Léman à tailler des filets de perche, occupation professionnelle délicate et qui demande beaucoup de patience, pour reprendre, de retour à San Jose, les manuels de FLE. Le retour définitif de la famille en Argentine se produit en 2017, à l’âge ou son petit Celestino doit prendre le chenin de l’école.

ACPROFER
Parmi ses nombreuses activités, il en est une qui demande toute l’attention de Leticia, l’enseignement officiel du français à San José. Elle a, dans ce but, participé activement à la création de la toute jeune association de professeurs de Français langue étrangère, ACPROFER, qui réunit des enseignants de FLE de toute la province d’Entre Rios, particulièrement motivés par la survie du français dans la province. L’association ACPROFER est née le 14 juillet 2021 et se trouve actuellement en cours d’enregistrement pour être reconnue comme personne juridique.

Leticia qui piquée par la curiosité s’est amusée un jour à dresser son arbre généalogique et a découvert sa lointaine et presque diaphane ascendance savoyarde est aujourd’hui entièrement plongée dans la langue et la culture françaises, mariée à un Français et mère d’un petit garçon français.

La « boucle est bouclée » …

Propos recueillis par Marie-Françoise Mounier-Arana et Elisabeth Devriendt

 

Il est important de souligner que les immigrants savoyards avaient un certain niveau d’instruction : ils venaient, en général, avec leur certificat d’études en poche.

 

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